Fort de son prestige de conquérant des Gaules, Jules César a franchi en 49 AC le fleuve Rubicon, déclenchant ainsi une (nouvelle) guerre civile, contre son rival, le général Pompée. Nommé dictateur à vie, il n'a de cesse de combattre ses ennemis tout en
modernisant l'administration de l'empire conquis (extension du droit de vote,
octroi de terres aux combattants....).
Au sommet du pouvoir,
César songe à se doter d'un titre royal qui assurerait la pérennité de son
oeuvre au-delà de la mort. Il aurait même envisagé, avec sa jeune maîtresse Cléopâtre, reine d'Égypte, de se faire consacrer fils d'Amon, à l'image d'Alexandre le Grand.
Le 15 février de l'an 44 av. J.-C., à l'occasion des Lupercales, Marc Antoine, son fidèle lieutenant, pose sur la tête de César le diadème des rois
grecs. Mais la foule proteste et le dictateur ôte lui-même la couronne
et l'envoie au temple de Jupiter.
Néanmoins, Jules César décide d'accepter le titre de roi
pour la partie orientale de l'empire romain à l'occasion de la prochaine
réunion solennelle du Sénat, qui doit avoir lieu le jour des Ides de mars en un lieu appelé « portique de Pompée »,
qui remplace la Curie, incendiée huit ans plus tôt. Ses proches,dont sa femme Calpurnie, lui font part de mauvais présages et tentent de dissuader César: il n'en tient pas compte.
Lisons le récit de son assassinat par Suétone, l'historien romain:
Lorsqu'il
s'assit, les conjurés l'entourèrent,
sous prétexte de lui présenter leurs
hommages. Tout à coup Tullius Cimber, qui
s'était chargé du
premier rôle, s'approcha davantage
comme pour lui
demander une faveur;
et César se refusant à l'entendre et
lui faisant signe de remettre sa demande à
un autre temps, il le saisit, par la toge, aux deux
épaules. "C'est là de la violence,"
s'écrie César; et, dans le moment
même, l'un des Casca,
auquel il tournait le dos, le blesse, un peu
au-dessous de la gorge.
César,
saisissant le bras qui l'a frappé, le perce
de son poinçon,
puis il veut s'élancer; mais une autre
blessure l'arrête, et il voit bientôt
des poignards levés sur lui de tous
côtés. Alors il s'enveloppe la
tête de sa toge, et, de la main gauche, il en
abaisse en même temps un des pans sur ses
jambes, afin de tomber plus décemment, la
partie inférieure de son corps étant
ainsi couverte.
Il fut
ainsi
percé de vingt-trois coups: au premier
seulement, il
poussa un gémissement, sans dire une parole.
Toutefois, quelques écrivains rapportent
que, voyant s'avancer contre lui Marcus Brutus, il
dit en grec: " Καὶ σὺ τέκνον (Et toi aussi, mon fils!)" Quand il fut mort, tout le monde s'enfuit, et il
resta quelque temps étendu par terre. Enfin
trois esclaves le rapportèrent chez lui sur
une litière, d'où pendait un de ses
bras.De tant de
blessures, il n'y avait de mortelle,
au jugement du médecin Antistius,
que la seconde, qui lui avait été
faite à la poitrine.L'intention des
conjurés était de traîner son cadavre dans le Tibre,
de
confisquer ses biens , et d'annuler
ses actes: mais
la crainte qu'ils eurent du consul Marc-Antoine et de Lépide, maître de cavalerie,
les fit renoncer à ce dessein.
Caius Suetonius Calpurnius De vita duodecim Caesarum libri, Vita Caesaris, 82
Vincenzo Camuccini L'assassinat de Jules César,
https://www.arretetonchar.fr/mort-de-c%C3%A9sar-vincenzo-camuccini/
et celui de Plutarque:
Toutes ces circonstances peuvent avoir été l'effet du hasard; mais on ne
saurait en dire autant du lieu où le sénat fut assemblé ce jour-1à et où se
passa cette scène sanglante. Il y avait une statue de Pompée, et c'était un
des édifices qu'il avait dédiés pour servir d'ornement à son théâtre.
N'est-ce pas une preuve évidente que cette entreprise était conduite par un
dieu, qui avait marqué cet édifice pour le lieu de l'exécution? Un dit même
que Cassius, lorsqu'on fut près d'attaquer César, porta ses yeux sur la statue
de Pompée et l'invoqua en secret, quoiqu'il fût d'ailleurs dans les sentiments
d'Épicure; mais la vue du danger présent pénétra son âme d'un vif sentiment
d'enthousiasme, qui lui fit démentir ses anciennes opinions. Antoine, dont on
craignait la fidélité pour César et la force de corps extraordinaire, fut
retenu , hors du lieu de l'assemblée; par Albinus; qui engagea à dessein avec
lui une longue conversation. Lorsque César entra, tous les sénateurs se
levèrent pour lui faire honneur. Des complices de Brutus, les uns se placèrent
autour du siège de César; les autres allèrent au-devant de lui, pour joindre
leurs prières à celles de Metellus Cimber, qui demandait le rappel de son
frère; et ils le suivirent, en redoublant leurs instances, jusqu'à ce qu'il
fut arrivé à sa place. Il s'assit, en rejetant leurs prières; et, comme ils
le pressaient toujours plus vivement, il leur témoigna à chacun en particulier
son mécontentement. A!ors Metellus lui prit la robe de ses deux mains et lui
découvrit le haut de l'épaule; c'était le signal dont les conjurés étaient
convenus. Casca le frappa le premier de son épée; mais le coup ne fut pas
mortel, le fer n'ayant pas pénétré bien avant. Il y a apparence que, chargé
de commencer une si grande entreprise, il se sentit troublé. César se tournant
vers lui saisit son épée, qu'il tint toujours dans sa main. Ils s'écrièrent
tous deux en même temps, César en latin : « Scélérat de Casca , que fais-tu
? » Et Casca, s'adressant à son frère, lui cria , en grec : « Mon frère ,
au secours ! »
LXXII. Dans le premier moment, tous ceux qui n'étaient pas du secret furent
saisis d'horreur; et, frissonnant de tout leur corps, ils n'osèrent ni prendre
la fuite, ni défendre César, ni proférer une seule parole. Cependant les
conjurés, tirant chacun son épée, l'environnent de toutes parts; de quelque
côté qu'il se tourne, il ne trouve que des épées qui le frappent aux yeux et
au visage: tel qu'une bête féroce assaillie par les chasseurs, il se
débattait entre toutes ces mains armées contre lui; car chacun voulait avoir
part à ce meurtre, et goûter pour ainsi dire à ce sang, comme aux libations
d'un sacrifice. Brutus lui-même lui porta un coup dans l'aine. Il s'était
défendu, dit-on, contre les autres et traînait son corps de côté et d'autre
en poussant de grands cris. Mais quand il vit Brutus venir sur lui l'épée nue
à la main, il se couvrit la tête de sa robe et s'abandonna au fer des
conjurés. Soit hasard, soit dessein formé de leur part, il fut poussé
jusqu'au piédestal de la statue de Pompée, qui fut couverte de son sang. Il
semblait que Pompée présidât à la vengeance qu'on tirait de son ennemi, qui,
abattu et palpitant, venait expirer à ses pieds du grand nombre de blessures
qu'il avait reçues. Il fut percé, dit-on, de vingt-trois coups; et plusieurs
des conjurés se blessèrent eux-mêmes en frappant tous à la fois sur un seul
homme.
Plutarque Les vies des Hommes Illustres, Vie de César, LXXI-LXXII
* Shakespeare Julius Caesar (1599/1623)
Cliquez sur le lien pour lire la tragédie en traduction:
https://www.atramenta.net/lire/jules-cesar/11368
Créée en 1599 pour l'ouverture du Globe Theatre à Londres et écrite juste avant Hamlet, Julius Caesar est la première d'une série de grandes tragédies. Inspiré de Plutarque, Shakespeare l'écrit à un moment critique et décisif de l'histoire de l'Angleterre : la révolte d'Essex contre Elizabeth I.
pour voir un extrait de la mise en scène d'Arthur Nauzyciel (l'assassinat):
https://www.youtube.com/watch?v=LsgKpZhalmk