dimanche 26 avril 2020

Ostia Antica


 Visitons aujourd'hui Ostia Antica, le port de Rome.

 Si vous arrivez à Roma par avion et que vous atterrissez à Fiumicino (aéroport Leonardo da Vinci), vous n'êtes qu'à  une dizaine de kilomètres d'Ostie: allez-y directement, visitez le site antique et profitez du littoral en soirée avant d'aller le lendemain à la découverte de la ville éternelle. 



Ostie, que signifie le nom de la ville? 
 Vous connaissez os, oris, n. la bouche et au fig. la bouche du fleuve (par où les bateaux pénètrent dans l'intérieur des terres) d'où ostium, ii, n. l'embouchure d'un fleuve et Ostia, ae, f: Ostie, port de Rome, à l'embouchure du Tibre.


     Dans l'Antiquité, la mer longeait les remparts d'Ostie, aujourd'hui le littoral a gagné 4 km. Ostie fut le grand port de Rome (les grandes villes n'étaient pas construites en bord de mer, elles évitaient ainsi les attaques maritimes et les incursions des pirates, nombreux en Méditerranée dans l'Antiquité. Souvenez-vous de vos cours d'histoire sur Athènes et Le Pirée). Ostie fut d'abord un port militaire, puis un grand port de commerce. Elle aurait été fondée par le roi étrusque Ancus Martius (les traces archéologiques les plus anciennes trouvées sur place datent du IVe s. AC). A l'époque des guerres puniques (IIIe s. AC), Ostia est l'arsenal de Rome, la base de départ de ses navires. Après la victoire définitive sur Carthage (146 AC), on construit des quais et des entrepôts pour recevoir les richesses provenant de tout l'empire, notamment le blé.

    Dès 79 AC, Sylla l'entoure d'une enceinte englobant 70 hectares pour la protéger des pirates, avec trois accès la Porta Romana (la photo au début de cet article a été prise à la Porta Romana), la Porta Marina et la Porta Laurentina. L'axe principal est la via Ostiensis, le DECUMANUS MAXIMUS (l'axe orienté Est-ouest de la ville). 






Le site d'Ostia Antica s'étend sur près de 50 hectares. La ville a été abandonnée au Moyen-Age (le port s'envasait) et a alors servi de carrière; la ville moderne s'est bâtie à côté du site antique.
La ville antique était, comme toute ville portuaire, une ville dynamique et  cosmopolite.
Des grands travaux y ont été réalisés sous l'empire: Auguste y fait construire le théâtre et le forum (qui sera terminé sous le règne de son successeur, Tibère). 

     Le théâtre avait été agrandi sous Septime Sévère et Caracalla. Il a pu accueillir jusqu'à 4000 spectateurs. Il a été en partie reconstruit en 1940-42 avec des briques et du tuf. Sous la cavea, on voit toujours les boutiques et rampes d'accès aux étages supérieurs qui datent de l'époque augustéenne.

    Vers 50 PC, Ostie a bénéficié d'un statut spécial qui lui a conféré une grande autonomie par rapport à Rome. La cité est prospère.




Ses rues sont bordées d'insulae (voir ci-dessous une reconstitution). Sous le règne des Antonins, la ville pouvait compter 50 000 habitants. Contrairement à Pompéi ou Herculanum, il y a peu de "domus" à Ostie.


En rez-de-chaussée se trouvaient boutiques et les appartements se trouvaient à l'étage. Auguste avait promulgué une loi limitant la hauteur des immeubles à 20m.


 Thermopolium

 Remarquez les rues pavées, les fontaines, quelques restes de trottoirs...

Les thermes 

On a retrouvé sept grands établissements thermaux dans la ville.

 Le frigidarium des thermes du Forum

 La fameuse mosaïque de Neptune sur son char, située dans l'atrium des thermes de Neptune. Ces thermes ont été renovés sous l'empereur Hadrien, sur des bâtiments qui dataient du règne de Claude.



Il faut imaginer une ville vivante, bruyante, agitée par les activités commerciales. On a retrouvé à Ostie des entrepôts à grains, des huileries, boucheries, poissonneries, boulangeries, des tavernes (beaucoup de thermopolia). 
 entrepôt avec des dolia
Le dolium est une sorte de grosse amphore enterrée dans laquelle on stockait des céréales ou des liquides. Certains pouvaient contenir jusqu'à 1200 litres.
 Boulangerie: le blé était moulu sur place.
 Foulonnerie (reconstitution). Trois bassins servaient de lavoirs et dans d'autres pièces, les foulons pressaient les vêtements de leurs pieds.

 Reconstitution des bâtiments de la cité et du port de Trajan (vidéo de 2'37)
 Dans cette vidéo, vous avez pu voir se reconstituer les  Grandi Horrea (grands entrepôts): ils étaient divisés en 64 compartiments pour le blé.


                                                        La place des Corporations




 C'est l'un des endroits impressionnants et uniques d'Ostie. Construite sous Auguste dans le prolongement du théâtre, cette place fut agrémentée sous Claude d'un portique de colonnes en brique autour duquel les marchands et armateurs avaient leurs bureaux. La place a été réaménagée et haussée de 40 cm à la fin du IIe s. Les mosaïques au sol, toutes traitées en bichromie à Ostie, datent de cette époque. Elles indiquent les corporations auxquelles appartiennent les marchands.

                                                                          marchands originaires de Carthage

mosaïque d'un marchand d'huile

                                                                Le port d'Ostie


Pour en savoir plus, cliquez pour aller lire l'article: 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ostie

 L'empereur Constantin a retiré à Ostie son autonomie administrative pour la transférer à Portus Romae, le port artificiel que Claude puis Trajan avaient établi sur l'autre rive du fleuve (Ostie s'envasait). La cité est alors devenue un centre résidentiel.


 La vie religieuse à Ostie

A Ostie enfin se côtoyaient en parfaite harmonie les temples païens consacrés à des divinités romaines ou "importées" (Mithra, Isis...), une synagogue et  une basilique chrétienne. Cette pluralité des cultes fait d’Ostie Antique un site exceptionnel.
 Sur une aire sacrée, datant de l'époque républicaine, on peut contempler les vestiges de trois temples fréquentés par les marins et les marchands. Le plus célèbre est celui consacré à Hercule, édifié vers 100 AC.

 Parmi les cultes importés, celui de Sérapis est visible (un serapeum a été retrouvé au nord ouest de la ville), et les fouilles ont mis au jour au moins quatre mithraeum (celui des Sept Sphères, de la rue des thermes de Mithra, du Felicissimus, des Murs peints).


Ce sont les soldats et les esclaves après les différentes conquêtes qui importèrent ces cultes étrangers. Le culte de Mithra est originaire d'Inde et de Perse, il se répandit en Italie à la fin du 1er s. et dans tout l'empire romain (il y a peu on en a retrouvé un à Angers, en France). Le culte disparut au IVe s. quand il fut interdit et que le christianisme devint la religion de l'empire. 
 Le mithraeum des sept sphères
Seuls les hommes pouvaient pratiquer le culte de Mithra, né dans une grotte et identifié avec le soleil, la création du cosmos. Par le sacrifice d'un taureau, le dieu aurait créé les animaux et les plantes. Les adeptes se réunissaient dans les mithraeums, sanctuaires de taille restreinte, situés dans des endroits obscurs pour symboliser la grotte originelle.  Tous les mithraeums sont organisés selon le même plan: une pièce d'accès où l'on revêt les habits rituels, une salle cultuelle en contrebas avec des banquettes le long des murs, stèle représentant le sacrifice du taureau, niche avec statue au fond de la pièce, plafond voûté figurant le ciel étoilé et les planètes. Le rituel impliquait un enseignement préalable et une initiation. Le culte de Mithra présente des points de convergence avec le christianisme dont il est devenu un concurrent: partage d'un repas rituel où pain et vin étaient consommés, baptême... De plus, Mithra était né un 25 décembre et était vénéré le dimanche... 




 vestiges de la synagogue (1er s. restaurée au IVe s.) 
Une importante communauté juive s'était installée à Ostie.
vestiges de la basilique chrétienne (IVe-Ve s.)

un parcours rapide de la cité
https://www.ostia-ostie.net/

Et quittons-nous avec la charmante statue du baiser d'Amour et Psyché:


A lire chez Apulée L'âne d'or ou Les métamorphoses (livres IV à VI).


mardi 21 avril 2020

21 avril 753 AC: Bon anniversaire ROMA!


Lis le récit de Tite-Live (Ab Urbe Condita, I) et retrouve les illustrations qui correspondent.  

"Énée (...)  arriva d'abord en Macédoine, passa de là en Sicile, d'où, cherchant toujours une patrie, il vint aborder avec sa flotte au rivage de Laurente, appelé aussi du nom de Troie. À peine sur cette plage, les Troyens, auxquels une si longue navigation sur ces mers, où ils erraient depuis tant d'années, n'avait laissé que des armes et des vaisseaux, se répandent dans les campagnes pour chercher du butin, lorsque le roi Latinus et les Aborigènes, qui occupaient alors le pays, accourent en armes de la ville et les alentours, pour repousser l'agression de ces étrangers. Suivant les uns, ce ne fut qu'après une défaite que Latinus fit la paix et s'allia avec Énée. Suivant d'autres, les armées étaient en présence, et on allait donner le signal, lorsque Latinus s'avança entouré de l'élite des siens, et invita le chef de ces étrangers à une entrevue. Il lui demanda quelle était leur nation, d'où ils venaient, quel malheur les avait exilés de leur pays, et quel projet les amenait sur les rivages Laurentins.  Lorsqu'il eut appris qu'ils étaient Troyens, que leur chef était Énée, fils d'Anchise et de Vénus, et que, fuyant leur patrie et leurs maisons en cendres, ils cherchaient un asile et un emplacement pour y bâtir une ville, pénétré d'admiration à l'aspect de ce peuple glorieux et de celui qui le conduisait, les voyant d'ailleurs disposés à la guerre comme à la paix, il tendit la main à Énée, pour gage de leur future amitié. Le traité se fit alors entre les chefs, et les armées se rapprochèrent; Énée devint l'hôte de Latinus, et, dans son palais, à l'autel de ses dieux pénates, Latinus, pour resserrer par des noeuds domestiques l'union des deux peuples, lui donna sa fille en mariage. Cette alliance affermit les Troyens dans l'espérance de voir enfin un établissement durable fixer leur destinée errante. Ils bâtissent une ville. Énée la nomme Lavinium, du nom de sa nouvelle épouse. De ce mariage naquit bientôt, comme du premier, un fils qui reçut de ses parents le nom d'Ascagne. (...)"

allégorie du fleuve Tibre
Le Bernin Enée et Anchise
LVPA ROMANA, la louve du Capitole

fondations de la "cabane de Romulus", Palatin

Urne funéraire, sous forme de cabane primitive (cabane de Romulus)
Ascagne a pour successeur Silvius son fils, né, je ne sais par quel hasard, au fond des forêts.(...)  [300 ans plus tard environ ] Procas, son successeur, père de Numitor et d'Amulius. lègue à Numitor, l'aîné de ses fils, l'antique royaume de la race des Silvius. Mais la violence prévalut sur la volonté d'un père et sur le respect pour le droit d'aînesse. Amulius chasse son frère, et monte sur son trône : et, soutenant un crime par un nouveau crime, il fait périr tous les enfants mâles de ce frère : sous prétexte d'honorer Rhéa Silvia, fille de Numitor, il en fait une vestale; lui ôte, en la condamnant à une éternelle virginité, l'espoir de devenir mère. 
 Mais les destins devaient sans doute au monde la naissance d'une ville si grande, et l'établissement de cet empire, le plus puissant après celui des dieux. Devenue par la violence mère de deux enfants, soit conviction, soit dessein d'ennoblir sa faute par la complicité d'un dieu, la Vestale attribue à Mars cette douteuse paternité. Mais ni les dieux ni les hommes ne peuvent soustraire la mère et les enfants à la cruauté du roi : la prêtresse, chargée de fers, est jetée en prison, et l'ordre est donné de précipiter les enfants dans le fleuve. Par un merveilleux hasard, signe éclatant de la protection divine, le Tibre débordé avait franchi ses rives, et s'était répandu en étangs dont les eaux languissantes empêchaient d'arriver jusqu'à son lit ordinaire; cependant, malgré leur peu de profondeur et la tranquillité de leur cours, ceux qui exécutaient les ordres du roi les jugèrent encore assez profondes pour noyer des enfants. Croyant donc remplir la commission royale, ils les abandonnèrent aux premiers flots, à l'endroit où s'élève aujourd'hui le figuier Ruminal, qui porta, dit-on, le nom de Romulaire. 
 
 
Cloaca Maxima

Ces lieux n'étaient alors qu'une vaste solitude. S'il faut en croire ce qu'on rapporte, les eaux, faibles en cet endroit, laissèrent à sec le berceau flottant qui portait les deux enfants : une louve altérée, descendue des montagnes d'alentour, accourut au bruit de leurs vagissements, et, leur présentant la mamelle, oublia tellement sa férocité, que l'intendant des troupeaux du roi la trouva caressant de la langue ses nourrissons. Faustulus (c'était, dit-on, le nom de cet homme) les emporta chez lui et les confia aux soins de sa femme Larentia. Selon d'autres, cette Larentia était une prostituée à qui les bergers avaient donné le nom de Louve; c'est là l'origine de cette tradition merveilleuse. Telles furent la naissance et l'éducation de ces enfants. À peine arrivés à l'âge de l'adolescence, ils dédaignent l'oisiveté d'une vie sédentaire et la garde des troupeaux; la chasse les entraîne dans les forêts d'alentour. (...) 
 Numitor ainsi replacé sur le trône d'Albe, Romulus et Rémus conçurent l'idée de fonder une ville aux lieux témoins de leurs premiers périls et des soins donnés à leur enfance. La multitude d'habitants dont regorgeaient Albe et le Latium, grossie encore du concours des bergers, faisait espérer naturellement que la nouvelle ville éclipserait Albe et Lavinium. À ces projets d'établissement vient se mêler la soif du pouvoir, mal héréditaire chez eux, et une lutte monstrueuse termine un débat assez paisible dans le principe. Ils étaient jumeaux, et la prérogative de l'âge ne pouvait décider entre eux : ils remettent donc aux divinités tutélaires de ces lieux le soin de désigner, par des augures, celui qui devait donner son nom et des lois à la nouvelle ville, et se retirent, Romulus sur le mont Palatin, Rémus sur l'Aventin, pour y tracer l'enceinte augurale.
Freque de la Maison de Livie, Palatin
 Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c'étaient six vautours; il venait de l'annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux.  Une querelle s'ensuivit, que leur colère fit dégénérer en combat sanglant; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort. Suivant la tradition la plus répandue, Rémus, par dérision, avait franchi d'un saut les nouveaux remparts élevés par son frère, et Romulus, transporté de fureur, le tua en s'écriant : "Ainsi périsse quiconque franchira mes murailles." Romulus, resté seul maître, la ville nouvelle prit le nom de son fondateur. Le mont Palatin, sur lequel il avait été élevé, fut le premier endroit qu'il eut soin de fortifier. Dans tous les sacrifices qu'il offrit aux dieux, il suivit le rite albain; pour Hercule seulement, il suivit le rite grec tel qu'Évandre l'avait institué.

sans commentaire ;)